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LE MOUDJAHID HADDOU BOUABDELLAH, ALIAS SI BOUZID, TIRE SA RÉVÉRENCE À 94 ANS

LE MOUDJAHID HADDOU BOUABDELLAH, ALIAS SI BOUZID, TIRE SA RÉVÉRENCE À 94 ANS

Vétéran de la guerre

 d’indépendance (1954-1962), le Moudjahid Haddou Bouabdellah, alias Si Bouzid, ancien chef du secteur militaire autonome de Tiaret et adjoint du Chahid Hamdani Adda, alias Commandant Si Othmane, chef de la région I, zone VII de la wilaya V historique, vient de tirer sa révérence à l’âge de 94 ans. À l’orée de la célébration du 70 eme anniversaire du déclenchement de la lutte armée, Tiaret le pleure aujourd’hui, comme elle a pleuré d’autres glorieuses figures, parmi ses enfants qui se sont sacrifiés pour que vive l’Algerie libre et indépendante, à l’image des chouhada Ali Maâchi, Hamdani Adda, Hamdani Malika, Benamara Djillali alias Haroun, Ait Amrane Malika, Capitaine Boucif, Boukhetache Bouziane…Le défunt Bouabdellah fut interpellé, très jeune, par le devoir de la patrie pour rejoindre, en 1956, les rangs de l’Armée de Libération Nationale  en intégrant la première région de la zone VII, wilaya V historique.  Il débute en qualité de soldat avant d’être promu au grade d’officier pour être placé à la tête du secteur militaire autonome de Tiaret et adjoint du Commandant de la première région pilotée par le Chahid Hamdani Adda, alias Si Othmane. Depuis  l’indépendance, et jusqu’à son dernier souffle, Si Bouabdellah n’a jamais écarté de sa mémoire les séquelles de la révolution et son injustice délibérée par de vilains tortionnaires français qui ne rataient aucune occasion pour mettre en œuvre leurs pratiques ignominieuses et malsaines exécutées sur des maquisards qui ne réclamaient pourtant que leur liberté et celle de leur cher pays, l’Algérie. « En évoquant ces moments, j’oubli tout ce calvaire vécu tant l’un de mes compagnons proches, en l’occurrence le Chahid Hamdani Adda, a été tué dans des conditions inhumaines qui dépassent tout entendement. C’est d’ailleurs le cas de plusieurs autres martyrs dont nous glorifions les mémoires », a-t-il avoué un jour à un confrère qui l’avait approche. Approfondissant son témoignage , il ne pouvait s’empecher d’evoquer son compagnon, le Chahid Hamdani Adda,  en relatant la sinistre date du 3 décembre 1959 quand Si Othmane et Si Bouzid, considérés comme de dangereux notoires par l’armée coloniale, se trouvaient, en compagnie de six autres responsables, à Torrich, à 10 bornes de Tiaret en allant vers Oued-Lili, où devait se tenir une réunion de l’État-major de la 1ere Région. Aux environs de 18 heures, par cette fin de journée glaciale, un citoyen les a abordés pour leur indiquer une grotte. Indécis, car ne connaissant pas l’endroit, ces derniers n’ont trouvé aucune autre alternative que de s’engouffrer à l’intérieur croyant pouvoir y tenir leur réunion et se reposer un moment avant de découvrir qu’il s’agit d’un « blockhaus », voire une casemate. Toutefois, comme le malheur n’arrive jamais seul, un Moudjahid bien imprégné de cet endroit a été capturé par les soldats français deux jours auparavant. Sous une forte torture, il lâcha des informations parmi lesquelles l’emplacement de cette « cache », ne sachant la présence de l’Etat-major qu’une fois balancé à l’intérieur, menotté et soigneusement ligoté. Un accrochage fut ainsi déclenché entre les deux parties avant qu’un renfort de l’armée française, composé de centaines de soldats, investisse les lieux, munis de chars et hélicoptères pour assiéger la grotte. Près d’une heure après minuit, un Lieutenant français, répondant au nom de Timoststky, touché dans l’accrochage, saignait de partout et suppliait Si Bouzid et consorts de l’achever. Et à Si Bouzid de lui répliquer : « Nous sommes des maquisards pour une juste cause et non des assassins comme vous autres, et nous ferons tout pour vous soigner». Dès lors, un Capitaine de l’armée française entama les négociations en appelant, à l’aide d’un mégaphone, les maquisards à sortir de la grotte. Déclinant toute offre, Hamdani Adda, demande des garanties en exigeant, comme seul interlocuteur, un responsable dont le grade équivaut au sien. Suite à quoi, un Colonel, du nom de Pierre Roucolle, Commandant de la circonscription de Tiaret et Chef du Corps des chasseurs pédestres, se prononçant au nom du Général De Gaulle, formula ses assurances par écrit en promettant que les Moudjahidines capturés seront considérés comme des prisonniers de guerre. Affaiblis, déshydratés et à court de munitions, Hamdani adda et Haddou Bouabdellah quittèrent la grotte pour se retrouver entre les mains des ennemis et aussitôt emmenés, sous escorte, à Mellakou pendant que les soldats s’adonnaient à évacuer les cadavres, dont celui du Lieutenant Timoststky qui avait succombé à ses blessures. Khalil Abdelkader et Belbia Lazreg, deux moudjahidines qui se trouvaient dans la cache seront exécutés quelques jours après sans jugement aucun alors que Si Othmane et Si Bouzid, très connus, n’ont dû leur salut, du moins pour l’immédiat, qu’à la presse qui en avait largement médiatisé leur capture. Cette même presse était au détriment du Colonel Roucolle qui fut limogé car sa déclaration de « prisonniers de guerre » a été rapportée. Le Chef de région, Hamdani Adda, et son adjoint, Haddou Bouabdellah, seront ainsi condamnés à mort dans plusieurs procès. Le premier emprisonné à Oran et le second transféré à la prison d’El Harrach où il apprendra plus tard, par le biais de la radio, que son compagnon, et ami d’enfance, ainsi que trois autres condamnés à mort, dont le Chef de région de Relizane, Bendjebbar Aoued, ont été brulés vifs. Plus tard, le Général Jouhaud, l’un des officiers sanguinaires, finira par revendiquer l’assassinat du Chahid Hamdani Adda et ses compagnons de prison. Le Moudjahid Haddou Bouabdellah a été libéré le 4 mai 1962 de la prison d’El Harrach pour rejoindre, au lendemain de l’indépendance, les rangs de l’Armée Nationale Populaire qu’il quittera en janvier 1963. Premier vice-président de l’APC de Tiaret, il occupera plus tard un poste au sein d’une entreprise de travaux publics dont il sera nommé Directeur Général en 1972 et ce, jusqu’à sa mise en retraite en 1990.  Il s’est carrément retiré de la vie politique et s’est consacré à l’écriture de ses mémoires qu’il a déposées au niveau du ministère des Moudjahidine et Ayants droit pour édition. Dans ses mémoires, feu Bouabdellah marque avec insistance un détail en guise de conseil aux autres générations : « Durant la guerre et au lendemain de l’indépendance, les personnes instruites se comptaient sur le bout des doigts alors que les choses ont beaucoup évolué aujourd’hui. Cependant, pour que le pays décolle, il lui faut des hommes honnêtes et persuadés de la chose nationale». Cependant, il a toujours prôné que « C’est par le travail, l’abnégation et l’honnêteté, et loin de tout esprit de vendetta, d’opportunisme et d’égoïsme que les Algériens arriveront à actionner positivement le pays ». Décédé dans la soirée de samedi dernier, la dépouille du Moudjahid Bouabdellah a été inhumée le lendemain, dimanche, au cimetière de Ain Guesma en présence d’une incommensurable foule venue lui rendre un dernier hommage. Par ailleurs, les obsèques, qui ont eu lieu dans cadre officiel et avec les couleurs nationales, ont été marquées par la présence du wali de Tiaret, Ali Bouguerra, du Directeur des anciens Moudjahidine et ayant droits, Bouasria Belgoumidi, qui a lu une oraison funèbre dédiée par le ministre de tutelle, Laid Rebigua, et de l’ensembles des autorités civiles et  sécuritaires locales. 

SALEM REMMANE 

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